Ma vie est un Roman
Personnages





Aubelin Jolicoeur

Sous le nom de Petit Pierre, Aubelin est le héros (mitigé) d’un livre de Jean Raspail, et c’est en effet un personnage romanesque, mâtiné de gandin à la Brummel, de comédien à la Dali, de journaliste à la Commère de France-Soir, avec des zones d’ombre certaines mais aussi des trésors de fidélité amicale. Je l’ai connu en Haïti, à l’hôtel Oloffson qu’il hantait chaque soir, au moment où je dirigeais mon Encyclopédie Arawak des Antilles et de la Guyane. Chaque jour de la semaine, pour me faire la cour, il faisait porter à l’hôtel un tableau de sa collection de la Claire’s Gallery qu’il m’offrait. Sauf le dernier, un Saint-Brice, la Forêt des Esprits, que Malraux avait choisi peu avant sa mort, mais n’avait pas eu le temps d’acheter. Il renonça à me séduire, car les femmes se pressaient autour de lui. Mais nous sommes restés amis et ce fut lui qui me présenta Christopher Dodd, alors député, aujourd’hui sénateur. Jolicoeur tenait son nom de l’époque qui suivit l’esclavage où l’on donnait aux Noirs des noms inspirés de situations ou de fêtes. Son aïeul courant déjà la gueuse, il reçut celui dont il a hérité. Quant au prénom, il naquit un matin à Jacmel et l’aube était de lin. D’autres, en Haïti, s’appellent Chimène non parce qu’elles ont été aimées de Rodrigue, mais parce qu’elles ont vu le jour au bord d’un chemin. Aubelin avait été un temps chargé du tourisme sous Papa Doc - qu’il avait connu enfant à Jacmel ou le docteur soignait gratuitement les pauvres avant de devenir le dictateur que l’on sait -, il adorait montrer son île, même sous Bébé Doc qu’il appréciait fort peu. Il a surnagé aux vagues des dictateurs d’une île qui n’a jamais connu rien d’autre, une révolution de palais succédant dans son histoire à des incendies et autres insurrections – ce que je découvris pour mon Encyclopédie. Il m’écrivit quelques madrigaux comme celui-ci, daté du 2 mai 1978 :

Avec tes yeux voraces comme ton cœur
A combien d’hommes as-tu mis des chaînes
Mais combien te feraient-ils de peine
S’ils t’en mettaient aussi, pour ton bonheur ?

Ou cet autre :

Je ne t’aime pas, belle damoiselle
Puisque tu ne veux pas que l’on t’aime
De peur que l’on ne te coupe les ailes
Mais sais-tu qu’en amour on récolte ce qu’on sème ?
Tu as peur qu’on ne te coupe les ailes
Mais tu sèmes le vent d’amour et cause des tempêtes
Ebranlant, sans prendre garde, cœurs forts et cœurs frêles
Faisant avec ton sourire la fête.
Ainsi ébranlés, cœurs forts et cœurs frêles
Te sont restés attachés comme ton ombre à tes pas
Bien que l’on t’aime tu ne veuilles pas
Donc je ne t’aime pas, belle damoiselle.
J
e ne t’aime pas,
Ne vois-tu pas tout le temps que je passe à tes pieds ?
Ce n’est pas la position qui me sied
Suis-je d’un cœur fort ou d’un cœur frêle ?
Ne sens-tu pas tout le temps que je passe à tes pieds ?
Je ne t’aime point je t’adore,
T’ai-je déjà dit que je me fais à mon nouveau sort ?
Cette position est donc celle qui me sied.

 « La Forêt des Esprits », un tableau de Saint-Brice, réservé par Malraux qui mourut avant de pouvoir l’acheter, et que m’offrit Aubelin.





Jean-Paul Kauffmann

Le seul de ma liste que je ne connaisse pas, n’aie jamais rencontré, ne rencontrerai peut-être jamais et qui fait partie de ma vie au même titre et parfois plus que les êtres de chair qui m’entourent ou m’ont entourée. Un peu comme dans un film à truquage genre Tron, il m’a basculée dans son univers onirique, au lacis de ses phrases et des cercles concentriques de son oscillation perpétuelle entre enfermement et ouverture infinie. Car j’ai connu un véritable coup de foudre. Pour son livre La Chambre noire de Longwood. Une histoire extraordinaire de plongée intérieure, de libération dans l’enfermement. J’ai retrouvé, à l’état d’ébauche mais aussi d’épure, ce sentiment de voyage aux limites de la pureté, de l’inconnu, de plongée dans l’infini des frontières ultimes et invisibles, de retour au coeur de soi, dans son premier livre, L’Arche des Kerguelen. Voyage aux îles de la Désolation. Avec toujours la quête d’un Graal intérieur, plus vrai que l’imaginaire – une arche, un consul du bout du monde, un tableau de Delacroix …





Hugues de Kerett

Attaché culturel de l’ambassade de France à New York, puis directeur de la Maison des Ecrivains à son retour en France, Hugues était un personnage à la fois truculent et secret, Breton et Parisien. Passionné d’Afrique où il avait longtemps vécu, il écrivait la vie d’un fleuve lorsqu’il est mort si jeune, bien trop jeune, avec esprit et sans beaucoup se plaindre, toujours amical au cours de ses visites qui s’espaçaient …





Leszek Kolakowski

Marxiste très vite dubitatif, ce philosophe d’Oxford fut éjecté du Parti en 1968, et vint à Paris. Né à Radom en 1927, docteur en philosophie de l’université de Varsovie l’année même de la mort de Staline (1953), il a publié récemment, après une vingtaine d’ouvrages, Freedom, Fame, Lying, and Betrayal: Essays on Everyday Life, 1999. Je l’avais contacté au moment où nous envisagions, avec Jacques le Goff, de monter une collection sur l’Imaginaire européen et de lui confier le volume consacré aux religions de l’Europe. J’ai toujours été touchée par ce visage qui a la force d’un masque de théâtre yiddish, l’immense sourire fendant le visage, avec les yeux espacés autour du vaste nez, les lèvres dans la parenthèse des rides, l’humour affleurant une séduction triste. C’est au cours d’un congrès sur ce que nous appelions « le bal des cocus de l’histoire » qu’il m’a passé ce petit billet.





Théodore Komaniecki

Qu’aurait été la fête sans Théodore, Polonais de charme et de talent, Prix de Conservatoire de piano, qui a composé des chansons vibrantes et passionnées ? Théodore chante, joue, et c’est un homme de cœur et de fidélité, qui m’a connue jeune … ce qui n’est pas rien.








Nikita Krivochéine

Tout au début de mon enquête sur les hôpitaux psychiatriques en Union Soviétique à l’usage des dissidents, qui a donné lieu à un livre, j’ai rencontré Nikita, alors interprète à l’Unesco, au cours d’un dîner mémorable dans un petit restaurant géorgien près de la Tour Eiffel, La Toison d’Or. Il a récemment raconté son aventure dans un film et un livre de Nicolas Jallot, Piégés par Staline : né à Paris en 1934, il embarqua au printemps 1948 à Marseille ; destination Odessa. Il partait avec sa mère rejoindre le père, Igor, héros de l’armée Wrangel et de la résistance aux communistes, puis, en France, héros de la Résistance contre les Allemands (déporté à Buchewald et Dachau), expulsé quelques mois auparavant, par le ministre de l’Intérieur socialiste Jules Moch. Sa mère, Nina, a publié un livre de souvenirs, Les Quatre-Tiers d’une vie, où elle raconte cette période sombre. Sitôt arrivé, Igor Krivochéine fut envoyé dans un camp de travaux forcés, dont il ne sortit qu’après la mort de Staline, en 1954. Quant à Nikita, coupable d’avoir écrit au Monde, à la suite d’un article de Vercors à la gloire du régime et de l’URSS, une chronique sur l’intervention soviétique en Hongrie (avril 1957), il fut à son tour envoyé dans les camps – dix ans – pour « haute trahison » et « espionnage ». Puis sa peine fut « réduite » à trois ans qu’il passa en Mordovie. En 1971, il put enfin revenir en France, sans espoir de retour chez lui. Quatre ans plus tard, il est devenu mon guide parmi les ombres, mon nautonier dans les écueils et, grâce à lui, j’ai pu rencontrer les Russes réfugiés à Paris, à New York, à Londres ou à Jérusalem, mais aussi avoir des contacts précieux à mon arrivée à Moscou et voir André Sakharov.


27-28 Mars 2005 : Conférence de Nikita Krivochéine dans ma Galerie de Bécherel (près de Rennes), "Maître Albert" 06 24 58 78 64


Dr. Jean-Pierre Kutner et Françoise

L’un des pionniers dans le domaine des combats contre la stérilité masculine, de l’accouchement sous péridurale (dont il m’a fait bénéficier lorsqu’il mis au monde ma fille, Charlotte) et grand spécialiste de la procréation médicalement assistée, a écrit le livre Votre Bébé avant la naissance pour les Editions Antébi. Avec sa femme Françoise, ils font partie de ces « saints laïques » qui dans l’ombre oeuvrent pour que le monde soit un peu meilleur.


> Personnages



© - Conception et direction artistique : Elizabeth Antébi - Réalisation : Anares Multimédia