Ilona von Ledebur
Jai rencontré ce personnage éminemment poétique, longtemps restée mon amie, au cours dune conférence tenue à Stockholm sur la pollution que javais été envoyée filmer par Maurice Dalinval, de Publicis, pour le compte dAssurances. Excédée par la vague déjà progressante de la sexualité orbis et urbis, javais inventé une conférence à lautre bout de la ville sur les "niches érotico-écologiques au sein des cités du futur ". Psychiatre assise à quelques tables de là, Ilona me demanda ladresse (imaginaire) et lorsquelle séloigna, jeus des remords : je la rappelai pour lui dire quil sagissait dun canular, nous avons parlé et elle ma invitée chez elle à Olgö dans son château sur la mer.
Ivo Lederer
Organisateur pour la Ford Foundation de la conférence de Cracovie, entre Est et Ouest, pour faire le point sur les résultats dHelsinki (« libre circulation de linformation ») et préparer Belgrade, Ivo était un Américain dorigine yougoslave, né en décembre 1929 à Zagreb, qui avait été professeur dhistoire à Princeton, Yale et Stanford. Sa famille avait fui la Yougoslavie en 1941, passant par lItalie où elle était restée en détention, avant la libération de Rome. Puis tout le monde sembarqua, au cours de lété 1944, à Naples pour les Etats-Unis, et il restait, en cet homme de plus de cinquante ans, une parcelle intacte de lexaltation et de lenthousiasme de liberté qui lavait saisi autrefois en arrivant à Times Square. Il aimait passionnément, dévotement lAmérique, terre de tous les possibles. Quand il ma revue à New York, il ma aidée et soutenue pendant que jétais en train de réunir les pièces du dossier pour Droit dasiles en Union soviétique. A lépoque, je navais fait que pressentir tout ce quil cachait derrière lapparence austère dun notable de la City quil arrivait parfaitement à se donner.
Jacques Le Goff
Autre de mes génies tutélaires, Jacques Le Goff, que jai contacté pour monter une collection sur lImaginaire européen. Nous avons travaillé sur les maquettes, avec les auteurs. Cest grâce à lui que jai pu être reçue à Rimini par Umberto Eco (Le Goff a été le conseiller historique du film tiré dun ouvrage dEco), ou à la Sorbonne par Hélène Ahrweiler, ou encore que jai connu le cher David Landes, de Harvard, qui fut à mon jury de thèse. Nous avons aussi esquissé une Géographie de lAu-delà,mais nous avons dû renoncer à ces projets (ou les suspendre) pour des raisons indépendantes de nos volontés, financières ou de santé. Jacques est toujours resté en contrepoint de mes travaux, il a été lun des rapporteurs de mon Mémoire des Hautes Etudes, et je lui voue une profonde et respectueuse affection.
Geneviève de Lorgerie
et Windsor
Jai débarqué par un beau soir chez Mme de Lorgerie, en son château du Quengo, à Irodouër, entre deux gendarmes : ils nous avaient guidées, une amie et moi-même vers cette chambre dhôtes pas comme les autres, au fond dun grand parc et près dun étang, avec une petite chapelle dans le jardin. Jai eu un coup de cur pour le manoir, sa propriétaire, et la chienne Windsor, une dame Léondberg à qui je confiais ma fille alors âgée de sept ans. Notre châtelaine instaure un climat poétique, un peu désuet, daristocratie véritable, du cur et de lesprit. Elle semble parfois sortie des pages dun livre de Mme de Genlis ou des lignes de Loiseau Bleu. Née à Brest, elle incarne cette Bretagne des terres, secrète et douce, avec ses aspérités cachées et ses hortensias bleus.
Héléna Majdevic
Elle a été la Mireille Mathieu polonaise, très célèbre en son pays avant de venir en France où je lai connue, au Tsarevitch. Belle, généreuse, un rythme de blues comme de lamento tzigane, Helena (sur la photo à dr. Avec notre ami violoniste Jean Malvault, Prix de Conservatoire) fut longtemps une amie, me protégeant les soirs de dérive, gargamellesque parfois. Elle est morte brutalement en Pologne à lorée du nouveau millénaire, au lendemain dun grand succès de come back télévisuel. Je cherche aujourdhui des enregistrements delle, vieux ou récents
Marcel Maréchal
Marcello, Guignol dAnémone, acteur et metteur en scène né à Lyon sous Planchon et à lépoque de Chéreau, est entré dans ma vie littéraire et personnelle un beau soir où javais été emmenée par André Calles à un bal chez la trésorière de Parti communiste, avec orchestre du pavillon dArmenonville (sic). En Avignon, où il mavait invitée le voir dans Hölderlin, il avait fait le coup de poing pour moi contre quelquun qui me cherchait pouilles. Au Festival dOrange, il répondit pour moi à une vacherie quon me lançait. Quand jécrivais mon reportage sur les asiles pour les dissidents russes, il me soutenait malgré ses amitiés proches du Parti. Courageux, parfois imprudent, sûr dun charme quil a grand, dune énergie quil déploie en drapeau, il aurait pu être, en tant quacteur, lOrson Wells français. Son choix fut tout autre, celui de la direction de théâtres (Lyon, Marseille, Paris au Théâtre du Rond-Point), de la mise en scène, et le revoilà sur les routes avec les Tréteaux de France
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