Valérie Expert (photo LCI), remarquable dans la conduite de ses sujets de société dans "On en parle", donne la parole aux libraires dans son émission "Les coups de coeur des libraires", tous les vendredi sur LCI.
Après Cedric Ingrand, grand spécialiste du virtuel, c'est avec une autre journaliste de LCI, Valérie Expert, que nous continuons notre galerie de « portraits ». Non que nous soyons inféodée à LCI, mais il se trouve que la libraire priée de choisir ses favoris fut récemment votre servante (librairie-galerie "Maître Albert" à Bécherel, près de Rennes, je vous le rappelle, 06 24 58 78 64, organisatrice chaque printemps du Festival Européen de Latin/Grec : si vous cliquez sur la photo où je présente "Un Matin à Byblos" d'Olivier Germain-Thomas, vous vous retrouverez à la page "programme" du prochain festival où viendra ... ce même Olivier Germain-Thomas. Cf.+ bas commentaire sur son ouvrage) .
Simple, jolie et décidée, elle a un nom qui la prédestinait à interviewer les "experts" ès tous sujets. Elle le fait avec une qualité que l'on ne trouve plus guère de nos jours, le tact. Surtout, retenue et d'une vraie modestie, elle sait comme personne se taire, écouter (on peut même dire qu'elle a de l'oreille), encourager d'un sourire. Elle ne pratique pas la culture à l'abattage, mais avec bonne humeur et sens du public. Avec la complicité amicale de son "libraire à la houppe" Gérard Collard (librairie "La Griffe Noire" à Saint-Maur), elle permet au téléspectateur d'orienter ses choix dans le maquis des parutions, selon le kaléidoscope des goûts de chacun de ses invités qu'elle ponctue parfois d'un mot. Une émission originale qui donne la parole à des professionnels qui savent que le livre n'est pas (tout-à-fait) une marchandise comme les autres ... "Coup de coeur des Libraires"
"Je suis née à Paris en 1963, mais de l'âge de trois ans à dix-huit ans, je suis partie avec mes parents (mon père était professeur de Lettres) pour le Québec, à Montréal. Là, je me suis imprégnée d'une certaine manière d'aborder la vie et l'information, peut-être un peu différente, en décalage avec la manière française traditionnelle. J'aime faire dialoguer les gens, apprendre, avancer au cours d'une émission, peut-être même faire avancer un débat qui paraît mal engagé. Le dégager d'une ornière comme on le dit d'un véhicule ? Peut-être, en effet. Parfois, nous avons nous-mêmes des discussions très vives, en interne, dans cette chaîne qui "tourne" sur l'information non-stop. J'écoute attentivement les arguments des autres, parfois violents ou passionnés - comme récemment sur la fronde des banlieues. Mais, c'est vrai, depuis quelque temps, j'ai l'impression d'être plus mûre dans ce métier, plus sûre, d'engager la discussion dans un sens qui est le mien d'une manière plus lisible, de le proposer à la discussion. C'est certes une manière discrète d'influer sur les débats, mais sommes-nous objectifs ? D'autres y ont répondu avant moi : l'observateur, le journaliste, par sa présence même et sa personnalité infléchit un débat, l'oriente. Christine Bravo, qui fut la première à m'engager pour "Frou-Frou" en 1992, me l'avait dit : on met une bonne dizaine d'années à se former et à se peaufiner dans ce métier, à prendre ses distances et à dominer tous ses moyens. Déjà, à l'époque, j'étais la sérieuse de "Frou-Frou", je dépotais la revue de presse. Puis j'ai eu une émission sur FR3, "Parole d'Expert" - grâces soient rendues à mon mari bordelais dont "Expert" est le nom. Et c'est en 2000 que je suis entrée à LCI. Vous avez remarqué, dites-vous, que mon ton, ces derniers temps, se fait plus incisif ? Oui, je m'engage dans quelques combats qui me tiennent à coeur, comme celui que mène l'association C.E.W. (Cosmetic Executive Women) qui oeuvre par exemple dans les hôpitaux pour que les femmes reçoivent une "assistance-maquillage et parfums" pour reprendre goût à la vie qui passe aussi par l'image qu'elles projettent sur les autres et qui leur revient en miroir. Il faut qu'on puisse à nouveau les regarder avec plaisir, car dès qu'on regarde l'autre, ou dès qu'on est regardé et accepté, on recouvre son humanité, qui vacille dans la douleur. Il y a ainsi des rencontres qui me transforment - comme celle de cette femme au prénom qui veut dire "joie" (Laetitia) totalement mûrée dans son syndrome de "Scaphandre et du Papillon" et qui a pu à nouveau marcher. Et des causes qui me tiennent à coeur - le handicap, le cancer, la sécurité routière. Car, surtout si l'on occupe un poste d'influence, l'expertise doit un jour ou l'autre se traduire par une prise de responsabilités, non ? Et l'on doit faire des choix."
Olivier Germain-Thomas « Un Matin à Byblos » (Rocher)
Voilà un livre délicieux, au sens où on le dit d’une gourmandise et qui ne fait pas mal au pied quand il lui tombe dessus (l’expression est de Cocteau, paraît-il).
Délices de l’érudition, vertige du mot, patrie de la langue, des langues déployées en ailes tutélaires et qui s’effleurent les unes les autres.
Olivier Germain-Thomas. nous rappelle que les mots, comme les perles ont leur Orient. Car cet amoureux des Indes, de la Birmanie, du Japon, de la Chine vient d’accoster à Byblos, au Liban, en cette Phénicie qui a offert aux Grecs un alphabet qu’ils ont retourné, « envoyellé » et qu’ils nous ont transmis.
Byblos, qu’il appelle joliment la « ville de chevet » puisque le même mot a donné l’écorce de papyrus donc le livre, est selon lui une sorte de ville mille-feuilles qui « a veillé sur les rêves des hommes pendant plus de sept mille ans » C’est aussi, selon la légende, la ville fondée par Cronos, la ville du Temps.
La lecture de ce livre est un plaisir inouï, un plaisir de littérature avec des phrases si belles qu’on a envie d’en citer la plupart : « Ces ruines sont une femme voilée assise devant la mer. »
Son livre est aussi l’histoire d’une transmission, celle de l’écriture, de ces « brindilles qui se tortillent » et que l’on trouve pour la première fois à l’état brut sur le sarcophage d’un roi de Byblos (IIe millénaire av. J-C). Olivier Germain-Thomas narre comment le frère d’Europe, Cadmos de Phénicie, offrit aux Grecs l’écriture phénicienne : « Les Grecs, plutôt bons danseurs, la retournèrent pour écrire de droite à gauche, lui donnèrent des formes plus nettes et y ajoutèrent les voyelles, ce que ne firent ni les Hébreux ni les Arabes qui puisèrent à la même source. » Ce qui fait de notre écriture « du phénicien avec un jupon grec et une robe latine ». Voilà un très court exemple du style de ce monsieur aux trois prénoms le mot « style » signifiant à l’origine « manière de procéder ou de combattre » avant « d’exprimer sa pensée ». Car à le lire, on a sans cesse envie de remonter au vrai sens des mots, à leur étymologie, à leurs échos, à leurs racines.
Ce n’est pas vraiment un essai ou alors très réussi -, pas vraiment un rapport de voyage ou alors très intérieur ; c’est un livre traversé de visions brèves, d’images amusantes, de détails léchées, de phrases bien senties, dont l’une me va droit au cœur et à l’esprit : « La Grèce n’est pas seulement notre mémoire, elle est notre ligne de vie ». Le déni de l’origine, que nous vivons aujourd’hui, ne serait-il pas celui de notre avenir ? Car « origine », rappelle l’auteur, vient d’un verbe latin oriri qui signifie « se lever », « s’élancer hors de ». Et que tôt ou tard, comme le disait Karl Kraus témoin de l’apocalypse de Vienne et cité par Germain-Thomas, « Ce qu’on fait à la langue, on le fera à l’homme ».
Il ne faudrait pas déduire de tout cela que l’auteur de ce petit bibelot sur Byblos serait pontifiant, ou pèserait sur l’estomac. Il a l’esprit des dîners en ville du temps jadis. Mais plus encore l’art d’écrire et de penser chevillés à la main.
Avec Germain Thomas, le texte travaille comme le bois ; le mot se prend comme un bonbon.
Maître de l’ellipse et du panache, il évoque des choses peu à la mode : le christianisme, par exemple, « le seul drame antique que les cinq continents continuent de célébrer dans un élan d’espoir ». Comme ce roi inconsolable qui s’édifia un mausolée, il nous chante la grandeur de l’Europe : « Elle a été l’un des trois ou quatre pôles majeurs des cultures mondiales et le seul à avoir, un temps, dominé tous les continents. » Il célèbre l’originalité de l’idée d’universalité, mais aussi les arts, la littérature, la science, la philosophie « qui ont touché tous les recoins de la terre ». Il estime d’une manière au demeurant judicieuse que « ses empires l’ont décentrée », les affinités se conjuguant par langues, plutôt que par proximité géographique et passant donc les frontières : l’Espagne se tournant vers l’Amérique latine, la France vers la francophonie sénégalaise ou québécoise.
Il s’offre et nous offre, à la fin, un glossaire mot qui vient de glossa, la «langue », décidément on n’y coupe pas - quatre pages de mots rêvés et parfois inventés, rehaussés comme en peinture par une touche germanothomasesque. Ainsi, lorsqu’il parle du découpage du corps d’Osiris dont Isis ne retrouve plus un des morceaux, traduit-il le dit morceau par « berdouillette », « bourzaille au Québec » parce que, précise-t-il, « le mot sexe ne rend pas l’énigme de ce morceau ». Je laisse découvrir à l’heureux lecteur l’origine du mot « silhouette » », pourquoi l’auteur traite les intégristes de taricheutes, ou la raison pour laquelle « la jalousie est un sarcophage ».
Merci PPDA
Un grand merci à Patrick Poivre d'Arvor qui n'a pas hésité à nous aider à lancer le Premier Festival Européen de Grec/Latin en mars dernier à Bécherel, village de 15 libraires pour 660 habitants, près de Rennes. Il a en effet accepté de présenter les gros titres du journal de 429 av. J-C (il semblerait qu'une certaine mode fasse qu'on écrive - 429, sans doute pour gommer toute référence religieuse !) et de répondre à un interview filmé, en ouverture du festival. Il a en outre très généreusement accepté que cet interview soit diffusé auprès des professeurs qui le demanderaient. Une vraie générosité dont nous lui sommes reconnaissante et grâce à laquelle, en partie, nous serons en mesure bientôt de monter un deuxième Festival.
La Carte au trésor à Bécherel
Sylvain Augier et son équipe sont venus à Bécherel au cours du mois de mai filmer l'émission qui va passer le mardi soir 23 août sur France 3. Tout le monde aura ainsi l'occasion de voir Bécherel vue d'en haut, quelques libraires et re-ma pomme interviewée dans le parc du château de Caradeuc, qui a pour devise "Amicis pateant fores" (aux amis les portes ouvertes).
Histoire des étranges lucarnes : Inventions, naissance de la vedette télé …
Sur Pierre Schaeffer, qui a longtemps dirigé l 'inoubliable Service de la Recherche à l'ORTF, dont sont sortis tant de créateurs, cinéastes, écrivains, dessinateurs ou musiciens, voir un site déjà créé par une camarade de gynécée d'Aspasie : http://www.antebiel.com/Schaeffer/index.htm
Bientôt célébrations pour le dixième anniversaire de la mort de Pierre Schaeffer avec un colloque sur tous les aspects de sa création (télévision, communication, musique moderne, traité des objets musicaux, visions du monde et de l'avenir, livres, articles, coaching avant la lettre) à Paris en décembre dont nous préciserons les dates.
« En croyez-vous mes yeux et mes oreilles ? »
Tous les jours depuis le référendum
Déni total de démocratie par ceux qui la revendiquent. Comme l'a dit récemment dans une émission primetaïme un chef de file du sinistre : "Je suis d'accord avec tout le monde, en tout cas ceux de gauche".
Dimanche 5 mars
Dans "On ne peut pas plaire à tout le monde", Fogiel qui n'est pas connu pour un Père La Vertu a été lui-même choqué de la façon inarticulée et des fautes patentes de français (et d'élocution) des malheureuses victimes des destructions (qu'ils ont) organisées dans les lycées et pour lesquelles l'un d'entre eux a été condamné à de la prison avec sursis, tandis que l'autre risque ... d'être puni. Les lois sont là pour brimer, disaient-ils en gros. On leur en apprend à l'école ! Si l'on ne peut plus maintenant succomber à une impulsion très personnelle, et même multipersonnelle,et empêcher les autres de travailler, où va-t-on. Cela portait un joli nom, jadis, cela s'appelait la Terreur, camarades ...
Chronique quotidienne
Nous allons la reprendre ...
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Les merveilleuses archives : Pierre Dac.
Si vous avez l'idée saugrenue de ne pas aller au Festival Européen Latin Grec 2008 du 4 au 6 avril à Nantes, ou alors ,juste avant de partir :
Courez voir "Signé Pierre Dac" donné par la Compagnie des Hauts de Seine.
De la création de la Société des Loufoques, en passant par les faux journaux télévisés et les petites annonces saugrenues, nous nous dirigerons vers la savoureuse mais osée parodie de Phèdre, pour aller jusqu'au non moins célèbre sketch du Sar Rabindranath Duval. Un bon moment de rire et d'humour en perspective grâce à un spectacle interactif comme le vivaient en leur temps Pierre Dac et Françis Blanche dans les cabarets. |
Qui fut l’inventeur du schmilblick ? Qui fit hurler de rire les paras de la France Libre dans l’émission de la BBC à Londres « Les Français parlent aux Français », en des heures plus poignantes que tordantes, « 9 mois dupont - pardon - 9 mois durant » ? Qui parlait « louchébem », la langue des bouchers, bien avant notre verlan, comme Bobby Lapointe fit du rap bien avant le rap ? Qui fut intronisé « roi des loufoques » - fou en langue bouchère ? Qui naquit, comme ma grand-mère à Châlons/Marne ( aujourd’hui en Champagne) et, comme mon père, rejoignit début 1943 les gaullistes d’Angleterre ? Si je vous rappelle son talent, c'est pour comparer à nos jours. Qui oserait encore dire ces phrases d'une actualité parfois brûlante, ou écrire les deux dernières phrases d'une poésie tendre qui a disparu :
"A vendre jolie collection de pots de vin".
"S'il n'est pas bon d'être pris entre l'arbre et l'écorce, il ne l'est pas non plus d'être pris entre les Arabes et les Corses."
"Si ma tante en avait on l'appellerait mon oncle, et si mon oncle en était on l'appellerait ma tante. En tout bien tout honneur, naturellement"
"En politique, parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les deux principes majeurs de tous ceux qui feraient mieux de la fermer avant de l'ouvr
ir"
"L'imbécile prétentieux est celui qui se croit plus intelligent que ceux qui sont aussi bêtes que lui."
"Un amour débordant, c'est un torrent qui sort de son lit pour entrer dans un autre."
"Le carré est un triangle qui a réussi ou une circonférence qui a mal tourné"
Ces citations sont tirées de "L'Os à Moëlle" (mai 1938-mai 1940, 1964-1966) ou des Pensées de 1972.
Citons le site (tacite) : http://nagram.chez.tiscali.fr/pagemots.htm où vous pourrez trouver toutes sortes de mots d'auteur pour égayer votre journée, notre Dac biensûr, mais aussi Alphonse Allais, Francis Blanche, Pierre Desproges, Cavanna, Jacques Tati, Boris Vian, Sempé/Goscinny.
Enfin, chez Universal est parue, sur DVD, une anthologie des sketches de Pierre Dac et Francis Blanche, par Jacques Pessis
Pierre Dac dont on ressort aujourd'hui les sketches, pour la plupart conçus pour la radio, à la télévision et en DVD, alias André Isaac, né le 15 août 1893 sous le signe du Lion :
- Vous êtes né dans l'Inde?
- Je suis né dans l'Inde.
- A quel endroit de l'Inde?
- Châteauroux.
- A Châteauroux! Extraordinaire! Vraiment! D'ailleurs, je crois savoir de source sûre que votre père était hindou!
- Hindou, oui.
- Votre grand-père ?
- Hindou.
- Et votre arrière-grand-père ?
- C'était un dur.
(extrait du sketch avec Francis Blanche sur Sar Rabindranath Duval, dont on peut retrouver l'intégralité à http://pierredac.free.fr/sketch01.htm)
"Vers 1926, et non vers solitaire, j'embrassai non pas le culte du cultivateur occulte, mais la profession d'humoriste qui devint définitivement la mienne." Le 13 mai 1938, Dac crée L’Os à Moëlle, grand ancêtre de Charlie-Hebdo, en plus gentil et moins illustré. C’était l’époque de l’aphorisme, du jeu des mots, du calembour poussé au paroxysme (Lacan avant la lettre), du non-sens et de l’absurde rappelons que le théâtre de l’absurde date d’après-guerre, La Cantatrice Chauve d’Ionesco, de 1950 et En attendant Godot de Beckett, de 1953.
Pierre Dac ne vogue pas, si l’on ose l’image, dans ces cimes intellectuelles : il s’amuse. Après lui viendront Vian, puis Devos.
Ce n’est pas un chansonnier engagé, mais quand il s’engage … à Londres, après un périple par l’Espagne, vu de la prison :
« Un premier essai par les Pyrénées se termine à la Carcel Modelo de Barcelone. "Si Louis XIV se les étaient farcies comme moi, il n'aurait jamais dit: il n'y a plus de Pyrénées", s'exclame-t-il avant d'être enfermé pendant quatre mois dans une cellule habituellement réservée aux condamnés à mort. Reconduit à la frontière, il est aussitôt incarcéré, pendant trente jours, à la maison d'arrêt de Perpignan. Au juge qui lui demande pourquoi il a voulu fuir son pays, il répond "en France, il y avait deux personnages célèbres, le Maréchal Pétain et moi. La nation ayant choisi le premier, je n'ai plus rien à faire ici". Il le confirme quelques semaines plus tard en repassant en Espagne, muni cette fois, d'un passeport canadien au nom de Pierre Duval. Arrêté à bord d'un train, il passe près d'une année en détention, successivement à Barcelone, Lerida et Valencia de Alcantara. Par l'intermédiaire de la Croix-Rouge, il finit par être échangé, comme beaucoup de prisonniers, contre des sacs de blé. Le temps de traverser le Portugal et d'attendre, à Alger, le moment opportun, et le voici enfin sur ce qu'il considère comme sa terre promise. Plusieurs fois par semaine, sur les ondes de la BBC, Pierre Dac va engager des duels oratoires qui sont aujourd'hui entrés dans l'histoire. Son monologue, prononcé en juin 1944 contre Philippe Henriot, demeure en particulier un modèle du genre. Attaqué sur les ondes de Radio-Paris par cet éditorialiste au service de l'occupant, il lui répond par un texte d'une gravité extrême, intitulé Bagatelle pour un tombeau. Des paroles prophétiques puisqu'il prononce l'épitaphe de son adversaire, quinze jours avant qu'il ne soit abattu par des résistants. » (Jacques Pessis)
Extrait de la réponse à Henriot :
"Peut-être me répondrez-vous, monsieur Henriot, que je m'occupe de ce qui ne me regarde pas, et ce disant vous serez logique avec vous-même, puisque dans le laïus que vous m'avez consacré, vous vous écriez notamment : "Mais où nous atteignons les cimes du comique, c'est quand notre Dac prend la défense de la France! La France, qu'est-ce que cela peut bien signifier pour lui ?"
Eh bien ! Monsieur Henriot, sans vouloir engager de vaine polémique, je vais vous le dire ce que cela signifie, pour moi, la France.
Laissez-moi vous rappeler, en passant, que mes parents, mes grands-parents, mes arrière-grands-parents et d'autres avant eux sont originaires du pays d'Alsace, dont vous avez peut-être, par hasard, entendu parler ; et en particulier de la charmante petite ville de Niederbronn, près de Saverne, dans le Bas-Rhin. C'est un beau pays, l'Alsace, monsieur Henriot, où depuis toujours on sait ce que cela signifie, la France, et aussi ce que cela signifie, l'Allemagne. Des campagnes napoléoniennes en passant par celles de Crimée, d'Algérie, de 1870-1871, de 14-18 jusqu'à ce jour, on a dans ma famille, monsieur Henriot, lourdement payé l'impôt de la souffrance, des larmes et du sang.
Voilà, monsieur Henriot, ce que cela signifie pour moi, la France. Alors, vous, pourquoi ne pas nous dire ce que cela signifie, pour vous, l'Allemagne ?
Un dernier détail: puisque vous avez si complaisamment cité les prénoms de mon père et de ma mère, laissez-moi vous signaler que vous en avez oublié un celui de mon frère. Je vais vous dire où vous pourrez le trouver ; si, d'aventure, vos pas vous conduisent du côté du cimetière Montparnasse, entrez par la porte de la rue Froidevaux ; tournez à gauche dans l'allée et, à la 6e rangée, arrêtez-vous devant la 8e ou la 10e tombe. C'est là que reposent les restes de ce qui fut un beau, brave et joyeux garçon, fauché par les obus allemands, le 8 octobre 1915, aux attaques de Champagne. C'était mon frère. Sur la simple pierre, sous ses nom, prénoms et le numéro de son régiment, on lit cette simple inscription: "Mort pour la France, à l'âge de 28 ans". Voilà, monsieur Henriot, ce que cela signifie pour moi, la France. Sur votre tombe, si toutefois vous en avez une, il y aura aussi une inscription: elle sera ainsi libellée :
PHILIPPE HENRIOT
Mort pour Hitler,
Fusillé par les Français...
Bonne nuit, monsieur Henriot. Et dormez bien.
Après la guerre, Pierre Dac rancontre en 1949 rencontre Francis Blanche et tous deux inventent un feuilleton radiophonique déjanté, « Signé Furax », se produisent dans des cabarets et pondent une série d’émissions radio, dont Malheur aux Barbus et Les kangourous n’ont pas d’arêtes.
Auteur d’un pastiche de Phèdre devenu un classique et de Pensées pleines de bon sens (interdit), Pierre Dac manque pour la première fois de « savoir-vivre », selon ses propres paroles, puisqu’il meurt le 9 février 1975.
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