Page d'Accueil

Vu de ma rue, de mon toit, de ma lorgnette

choix des rubriques


L’Europe vue par mon fromager, le défilé des Miss vu de banlieue, la vente des livres vue par mon libraire, etc.

Bientôt : "Enfance au Cambodge", vu par ma fleuriste, "Mon île de Djerba", vue par mon informaticien, "Que reste-t-il des campagnes françaises ?" par ma châtelaine ...

Les livres vus par la Dame des Huîtres
Allant déguster des plateaux d'huîtres, escargots et fruits de mer non loin de chez moi, j'ai découvert une petite boutique verte pas tout à fait comme les autres. L'écaillère et grande prêtresse ès dégustations est une femme blonde aux yeux myosotis qui a reconstitué dans sa petite boutique, depuis 1997, un peu de l'ambiance des salons d'autrefois. On gobe, mais on se parle, et passent des journalistes, avocats, médecins de la clinique voisine, presque tous gens talentueux du quartier, car elle aime les arts et lettres : sa boutique (86 rue Lemercier, citée dans Zurban et Le Guide du Routard) est ornée de livres épars et elle en conseille de fort bons. Nous lui avons donc demandé d'approvisionner, de temps à autre, notre rubrique des nourritures spirituelles.
Françoise Landeau est née le 19 juillet 'tuit, dans la Sarthe et sous le signe du Cancer, dans une famille où l'on ne lisait guère. Elle a interrompu ses études avant le bac pour aller travailler et ne s'intéressait pas aux livres lorsque déboula dans sa vie un boulimique de la lecture, qui la plongea, vers la trentaine, dans l'univers des livres. "Ce fut une découverte merveilleuse, j'ai commencé par des nouvelles et je conseille à tous ceux qui ont peur de ne pas fixer leur attention assez longtemps de commencer par là. Puis je me suis passionnée pour le fantastique, l'autobiographie, le roman. J'aime me laisser emporter dans un univers qui n'est pas le mien, comme celui de David Lodge ou d'Anna Gavalda."
Ma dernière découverte ? Un petit roman d'un jeune auteur italien, Soie d'Alessandro Baricco, paru en Folio Gallimard (1997), que j'ai beaucoup aimé : en 142 pages seulement, il nous fait voyager jusqu'au fin fond de l'Orient et des phantasmes de son héros. Il s'agit d'une histoire platonique très belle qui se passe aux alentours de 1861, au moment où le Japon commence à s'ouvrir au monde. Une histoire de maladie des vers à soie fait voyager quelqu'un au Japon pour aller s'approvisionner en oeufs de vers à soie non contaminés. Tout cela ne dit pas le charme qui vous saisit et vous tient jusqu'au bout et les trucs d'une épouse pour encoconner de fils de soie invisibles son homme-voyageur, dont il est dit : "C'était au reste un de ces hommes qui aiment assister à leur propre vie, considérant comme déplacée toute ambition de la vivre. On aura remarqué que ceux-là contemplent leur destin à la façon dont la plupart des autres contemplent une journée de pluie." A toutes les grandes amoureuses, je conseillerai de lire attentivement la lettre d'une sensualité ébouriffante que traduit Madame Blanche,haut de page directrice de maison close ...
En ce moment, je lis aussi Cioran,
Sur les Cimes du désespoir, qui me conduit à découvrir ou relire d'autres livres de cet auteur roumain exilé en France et qui y est mort. Je l'ai découvert un jour en lisant Le Livre des Leurres, et je viens d'acheter L'inconvénient d'être né. On ne le lit évidemment pas tout d'un trait, puisqu'il s'agit de maximes et réflexions juxtaposées, on peut picorer dedans. J'ai retenu ce paragraphe :
"Seuls sont heureux ceux qui ne pensent jamais, autrement dit ceux qui ne pensent que le strict minimum nécessaire pour vivre.[...] Penser à tout moment, se poser des problèmes capitaux à tout bout de champ et éprouver un doute permanent quant à son destin,[...] c'est être malheureux au point que le problème de la pensée vous donne envie de vomir et que la réflexion nous apparaît comme une damnation."
Commentaire d'Aspasie sur Cioran (voir aussi le passage qui lui est consacré dans "Ma Vie est un Roman") : Est-ce que la réflexion n'est pas plutôt une élection ? Les gens qui ne pensent jamais ou ne sont pas en mesure de penser ne sont-ils pas terrifiés ? Ou alors, pourquoi lirait-on Cioran, qui aide à réfléchir, même par réaction ou antithèse ? "Eh oui, répondrait-il sans doute, c'est le paradoxe !"

Livres en vitrine (avec leurs étoiles de mer) :
**Jean Bourdelle : La nature en bord de mer (Chêne, 1996)
*Isabelle Brisson : Le stress du Bigorneau (Plon, 2000)
***Nicole Claveloux : La Ballade des Bigorneaux (Etre, 2001)
**Crustacés et Fruits de Mer (ERTI, 1991)
*M.F.K. Fisher : "Biographie sentimentale de l'huître (Anatolia, Le Rocher, 2002. Première édition 1941)
***Jean-Pierre Otte : La sexualité d'un plateau de fruits de mer. (Pocket, 2000)
***Recettes et adresses de Bretagne (Hachette, "Les Petits guides Gourmands"
*Christian Vidal : La Passion des Huître et des Moules (Sang de la Terre, 2001)

L'Europe vue par mon fromager

Les normes européennes sur le fromage touchent surtout … la France. Car où trouve-t-on ailleurs plusieurs centaines de fromages en Europe, voire dans le monde ? Bien sûr, on peut arguer du cheddar anglais, du gouda hollandais, du mascarpone italien ou de la fèta grecque, mais où raconte-t-on avec tant d’émotion la saga de Marie Harel et de son camembert ou du petit berger oublieux à l’origine du roquefort ?
« Parrain fromage » d’une génération, Jacques Gicquel, né le 22 septembre 1950 à Verneuil/Avre, dans l’Eure, est l’un des meilleurs fromagers de Paris. Il a commencé à travailler à 9 ans, pendant les vacances et sans interrompre l’école, dans un commerce d’alimentation voisin de ses parents et en garde un souvenir enthousiaste : « Ca m’a donné le goût du commerce, le plaisir de servir et de connaître des gens passionnants qui sont des clients, je n’avais pas été élevé dans le coton, et le bonheur naît aussi du sens des responsabilités chez les enfants. C’est moi qui avais voulu travailler, je suis né ainsi, avec le sens du contact, comme d’autres naissent solitaires. » En juillet prochain, avec sa femme, il va fêter ses trente ans de mariage et vingt-cinq ans de travail à deux. Sa Fromagerie des Moines, du 47 rue des Moines, étroite et fleurant bon les « fleurs » fromagères, ornée de peintures naïves et fort jolies qu’il a signées, est plus qu’une boutique, un salon véritable où les clients, pour peu qu’ils posent la bonne question, reçoivent un cours inestimable sur l’art et la manière d’apprécier et de déguster le « téton de Vénus », le Saint-Nicolas, le « trou du cru », la truffe du Quercy, le reblochon coulant, les diverses tommes, les gruyères ou les fromages de brebis.

Les normes européennes sur le fromage ont-elles modifié la donne ? Oui, pour les producteurs avec lesquels nous travaillons, chevriers ou producteurs de lait de vache, qui ont dû se plier à des aménagements coûteux (d’hygiène et autres), entraînant parfois des modifications de saveurs. Tout le monde n’en a pas eu les moyens – ou l’envie, quand ils n’étaient pas loin de la retraite. J’ai travaillé avec ceux qui fabriquaient les derniers camemberts fermiers. Faute d’agrément CE (Communauté Européenne) ils n’ont plus loisir de vendre que sur un périmètre de 50 à 80 kilomètres autour de chez eux.
Le camembert ou le vacherin ne sont plus ce qu’ils étaient, dit-on ? C’est en partie vrai, et cela vient d’une baisse du taux autohaut de apgerisé des bactéries dans le lait - donc ils ont moins de goût, mais il y a aussi moins de risques pour les fermentations (donc la digestion). On reste encore dans les limites du vrai fromage au lait cru, dans de vrais fermiers, mais il ne faudrait pas descendre en-dessous, au risque d’avoir des « journées du goût » sans beaucoup de goût dans les écoles.
Déjà, au moment où je commençais, en 1959, la pasteurisation des années 1960 (et l’apparition de fromages industriels) avait commencé à entraîner une évolution du goût des consommateurs vers des fromages moins typés. Ainsi, dans ma région, on vendait sur les marchés la « feuille de Dreux » dans des caisses de bois - un fromage fort en goût de petits producteurs, mais il était si costaud qu’il n’a pas fait son chemin. Le dernier producteur vient d’arrêter.
Mais, disons-le, aujourd’hui, il y a plus de fromages en France qu’au moment du général de Gaulle (qui disait déjà qu’on ne pouvait gouverner un pays qui possède tant d’espèces de fromages différents) - plusieurs centaines, dont 150 à 180 fromages vrais, c’est-à-dire des fromages qui viennent de vrais producteurs –des fermiers qui aiment leur métier, ou des artisans qui collectent dans différentes fermes des laits, en les choisissant soigneusement, puis les mélangent pour leurs fromages, selon des secrets bien gardés.
Les secrets du bon fromager ? Travailler avec les bons producteurs et les bons artisans ; mais aussi avoir pu mettre au point une bonne cave d’affinage. Le facteur temps est important (comme pour le bon pain ou le bon vin). Car il faut amener le fromage à maturité dans des conditions idéales. Et là, nous avons eu des mises aux normes difficiles avant de retrouver un bon équilibre, car l’ambiance bactérienne, la faune florale sont essentielles pour pouvoir « contaminer » agréablement des fromages, leur donner fleur et maturité.
Depuis une quinzaine d’années, aussi les parents forment les enfants à « grandir au fromage », en en distinguant les saveurs. Nous-mêmes, depuis 21 ans, nous donnons toujours aux enfants un échantillon à goûter et nous avons des clients qui nous sont restés fidèles, parmi les jeunes gens de cette génération. Car le fromage est un raffinement et une culture, et les parents veulent désormais de plus en plus transmettre ce patrimoine du goût, cette palette des saveurs.
Enfin, l’Europe est devenue un grand marché. Nous voyons venir le moment où nous pourrions vendre notre savoir-faire, établir des usines pour vendre des produits fromagers nés de notre expérience sur plusieurs siècles. Les Allemands, par exemple, sont déjà très friands de nos fromages.


Le Bouquiniste passionné de Napoléonhaut de page

Nombreux sont ceux qui ont une passion et nous passionneraient si nous le savions. Au fil du temps, parlant avec les gens, j'ai appris tant de choses que je me suis dit qu'il serait temps que les gens parlent enfin de ce qui les intéressent, nous intéressent. Pour le bouquiniste de l'avenue de Clichy, il s'agissait de Napoléon, via les médailles, les costumes et les soldats de plomb.

Hervé Verrin est né le 16 septembre 1949 et a vécu son enfance à Puteaux jusqu'à l'âge de sept ans. De sept à quatorze ans, il a vécu une vie chaotique d'enfant mi-abandonné, mi-rebelle, à l'école et dans les rues. La passion de Napoléon est venue à ce solitaire voilà une trentaine d'années, alors qu'il fréquentait les Puces.

"J'ai commencé à collectionner les décorations. Puis je me suis intéressé aux uniformes et, comme je n'avais pas les moyens de m'en acheter - plus tard, j'en ai cousu moi-même -, je me suis intéressé aux soldats de plomb à l'état brut, et j'ai commencé à les peindre.  Je prenais des livres et je me rancardais sur les régiments, les uniformes, les tenues, l'époque, et je me suis passionné pour le Premier Empire. Pourquoi ? Pour les belles couleurs, les uniformes étaient chamarrés, et de fil en aiguille, je me suis enthousiasmé pour cette époque grandiose. Ca m'a tout appris. A l'école, j'avais quitté la classe à 14 ans pour entrer en apprentissage : j'avais postulé chez un ébéniste, j'ai atterri chez un charcutier. Par souci de la parole donnée : je m'étais engagé, côté traiteur, un jour avant la réponse positive de l'ébéniste. Alors, à l'école, je n'avais jamais abordé Napoléon. C'est le côté militaire qui m'a enthousiasmé, et le mobilier, l'esthétique premier Empire. J'ai aussi collectionné les Légions d'Honneur (ordre créé par Napoléon) avec toutes leurs formes différentes.
M'acheter des soldats de plomb tout faits ne m'aurait procuré aucun plaisir. Je voulais me prouver à moi-même que j'étais capable de me fabriquer ... toute une armée !
Et puis j'ai fait des dioramas, ce genre de scènes de genre ou de bataille sous vitrine, en miniature. Mes sujets sont une chambre Premier Empire avec des soldats qui s'ébattent, mais surtout des batailles, Austerlitz, Waterloo, avec le paysage, les uniformes, les positions des armes : Austerlitz, ici, j'ai mis de la neige, la bataille a eu lieu en hiver (2 décembre 1805, contre les Autrichiens et les Russes. Austerlitz est aujourd'hui en Slovaquie). Tout était gelé, les armées étrangères sont arrivées. Il a pointé les canons sur les lacs et il a tiré. La glace a été percée et tout le monde s'est noyé. C'était un grand artilleur. Ce qui me fascinait chez Napoléon ? L'homme capable de reprendre un pays dévasté, en chaos, et qui a redonné gloire, honneur et argent à la France."
L'honneur ... le mot est prononcé à plusieurs reprises. Dans cette petite boutique du 117 avenue de Clichy, tout en longueur, où notre bouquiniste disparaît derrière ses piles de livres dont s'élèvent parfois les volutes de la fumée de sa bouffarde, un homme s'est recréé son Empereur d'une France dont il reste l'un des derniers grognards.

Caisson de munitions transformé en service de santé napoléonien, avec médecin-chef, médecins et infirmiers en uniformes

Plaisirs du quotidien


"Mon Dieu, donne-moi la patience de supporter ce que je ne peux changer,
Donne-moi la force de changer ce qui peut l'être,
Et surtout donne-moi le discernement pour distinguer entre les deux".


Ces vers d'un poète allemand sont toujours de saison en ces temps où tout le monde maugrée et ne voit que le côté sinistre des choses, au lieu d'appliquer la recette de l'humoriste (Popeck) : "-Papa, papa, je voudrais que quelqu'un me tende une main secourable. - Regarde au bout de tes bras mon fils, tu en as deux." Ce sont sous ces auspices que nous voudrions placer cette rubrique qui dénombre les plaisirs du quotidien - nos chiens, nos chats, nos oiseaux nos poissons, nos fleurs, nos recettes de jardinage, nos recettes de cuisine, nos recettes de petits plaisirs de la journée, même avec peu de moyens, des jeux inventés pour les enfants en découpant une pomme en point d'interrogation ou une peau d'orange en fleurs. Vous ne savez pas ? Vous apprendrez bientôt. Donnnez aussi les "trucs" de vos campagnes, de vos cités, de vos parents, de vos enfants, qui vous ont ravi et que vous accepteriez de nous faire partager ...
retour accueil samizdat : pour esprit libre     chronique et ragots    lunettes roses de ma rue, de mon toit, de ma lorgnette    tavulatv    sur le feu    plongeon dans le courrier    wwwAOU    Dazibao : zoom sur    archives et album photo