Shusha Guppy
Shusha (sur la photo avec le navigateur Alain Bombard et moi, au festival du livre de Villeneuve/Lot) est une chanteuse à la voix très pure, née en Perse (elle a depuis écrit ses mémoires) et que jai connue lorsque jécrivais Droit dAsiles en Union Soviétique : elle avait consacré lune de ses chansons les plus émouvantes à Natalia Gorbanevskaïa qui avait été enfermée dans un asile pour avoir été lune des six manifestantes sur la Place Rouge, devant le mausolée de Lénine, le 25 août 1968, au moment de linvasion de la Tchécoslovaquie par les troupes soviétiques. Une fois encore, je retranscris ici les paroles superbes de la chanson de Shusha, qui a si bien interprété Joan Baez et écrit aujourdhui si joliment les chroniques de notre jeunesse :
Weaver of words, who lives alone, in fear and sorrow,
Where is the world that set you free perhaps to-morrow?
Where is the earth, where is the sky, where is the light
You long for ?
What hope have you where you are now,
Natalia Gorbanevskaïa?
Inside the ward, naked and cruel, where life is stolen
From those who try to stay alife and still be human
Where are the friends, where are the men, who among them
Can defend you?
Where is the child you never see,
Natalia Gorbanevskaïa?
What is there left, behind the door, that never opens?
Are you insane, as they say you are, or just forsaken?
Are you still there, do you still care, or are you lost for ever?
I know this song, youll never hear,
Natalia Gorbanevskaïa?
Alan Horowitz
Cest par Christa Fuller que jai connu Alan, co-producteur du Parrain et qui devint plus tard vice-président de MGM pour la télévision. Grâce à lui, pendant une quinzaine dannées, jai connu la vie hollywoodienne sous un angle assez drôle, jai dîné à Ma maison, ai rencontré quelques stars et bu un nombre de daïquiris fraise assez effarant. Alan avait un sens de la vie et de lart que jai toujours aimé et savait rester fidèle en amitié dans nos rendez-vous « même heure lannée prochaine », chaque fois que je passais par Los Angeles.
Amir Abbas Hoveyda
Jai rencontré Hoveyda au Bal des Petits Lits Blancs qui a suivi les fêtes anniversaire de lempire perse organisées par le Shah en 1971. Nous nous sommes entretenus toute la soirée, nous avons dansé ensemble, et quels quaient été les griefs politiques que certains ont pu cultiver à son encontre, je garde le souvenir dun homme fin, courtois, triste (car on ne lécoutait plus et quil voyait venir lorage), une orchidée toujours piquée à la boutonnière. Aussi quand Sadek Godzabeh, devenu pour un temps le bras séculier de limam Khomeiny, et que javais connu à Paris, ma proposé de venir linterviewer dans sa prison, jai refusé. Je ne lai jamais regretté. Je ne voulais pas le voir avec des fusils dans le dos, apeuré, un pied dans la tombe.
Eugène Ionesco
Ionesco était le père de Marie-France, ma condisciple au lycée Molière. Il a commenté, avec bienveillance, ma première pièce de théâtre (et la seule jamais écrite) sur Judas. Puis je lai revu chez Byzanthios et il a accepté décrire lintroduction de mon livre Droit dasiles en Union Soviétique. Jai revu récemment pour la énième fois la Cantatrice Chauve et La Leçon, chefs duvre de labsurde et tant aimé son Rhinocéros, pièce ravageuse contre le totalitarisme.
Micha et Mila Jivantchevitch
Jai peu de remords, Micha et Mila en sont un. Jai vécu chez eux, alors que jécrivais pour Balland un livre sur la Yougoslavie auquel peu après nous avons renoncé. Mais ce fut une expérience extraordinaire dexploration dun pays, avec la marque des Empires passés qui se létaient partagés (et déjà en germe lopposition entre les peuples) : la Slovénie si proche de lAutriche, avec sur la place, la statue dun grand poète
que nous ne connaissons pas car il écrivait en slovène, ce qui ma laissée rêveuse sur les raisons de la gloire ou de lobscurité ; la Croatie, où jaccompagnais en tournées dans les écoles un écrivain pour enfants, Pero Zlatar ; le Montenegro où je faillis avoir une idylle, la Bosnie, avec la découverte des kaléidoscopes vécus. A Belgrade, je dormais dans lappartement poétique, décoré de tableaux modernes, de Micha Djivantchévitch (écrivain et fils dun avocat que connaissait mon père) et Mila. Nous avons un moment correspondu. Puis nous avons été séparés par le temps. Et lorsque la guerre a éclaté, mue par cette stupide négation du malheur dont je ne serais pas cru capable, je nai pas fait signe, tout en y pensant presque chaque jour. Car profondément, jétais et je suis restée - par souvenir du passé anti-nazi, par proximité culturelle - du côté des Serbes bombardés dans leurs caves et dont aujourdhui, au Kossovo, on arrache la bouche en leur faisant avaler des pétards enflammés ou que, tout bonnement on terrifie pour quils ne reviennent pas. Comme dautres, certes, mais les Serbes aussi
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