6 Juin 1953
Pour les parachutistes, la guerre ce fut le danger, l’audace, l’isolement.
Entre tous, les plus exposés, les plus audacieux, les plus solitaires ont été ceux de la France Libre.
Coups de main en Crête, en Lybie, en France occupée ;
combats de la libération en Bretagne, dans le Centre,
dans l’Ardenne ; avant-garde jetée du haut des airs dans la grande bataille du Rhin ;
voilà ce qu’ils ont fait, jouant toujours le tout pour le tout,
entièrement livrés à eux-mêmes, au milieu des lignes ennemies.
Voilà où ils perdirent leurs morts et récoltèrent leur victoire.
Le but fut atteint, la victoire remportée. Maintenant,
que la bassesse déferle ! Eux regardent le ciel sans pâlir et la terre sans rougir.
C. de Gaulle.
« C’est en 1941 que le Major Stirling a imaginé et mis au point cette nouvelle technique de mission. Il a personnellement mené au combat les premiers groupes d’action en Lybie. Le SAS jusqu’en 1945 est intervenu sur tous les théâtres d’opération, précédant le plus souvent les grandes offensives alliées : Cyrénaïque, Crête, Lybie, Tunisie, Italie, France, Belgique, Hollande.
La forme d’intervention des SAS peut se résumer ainsi : envoyer par le moyen le plus adéquat des petits groupes d’hommes super-entraînés et connaissant, entre autres, toutes les techniques de combat et de sabotage, sur les lointains arrières de l’ennemi.
S’y rendre a toujours été le plus aisé. En revenir, le plus difficile. L’effet de surprise était le principal atout. Ensuite, hélas, la longue traque qui suivait rendait le retour aléatoire. Pour parvenir près des objectifs, on a surtout utilisé le parachutage mais aussi le sous-marin ou le passage des zones fluides du front, avec des véhicules spécialement préparés.
Ce qu’on ignore trop c’est que, dès l’origine, le Major Stirling, très francophile, eut la volonté d’utiliser des Français pour ces actions à caractère exceptionnel. Il pensait que nos qualités et défauts s’adapteraient particulièrement bien à ce type d’intervention très individuelle.[…]
Ce qu’on ignore aussi, c’est que les résultats obtenus par les Français incorporés au SAS ont été tels qu’à la fin de la guerre, sur les quatre régiments du Special Air Service, deux étaient entièrement composés de Français.
Des petits groupes d’hommes (stick) dont le nombre variait avec la nature de la mission ont agi partout, accomplissant les exploits les plus extraordinaires. Toute l’Angleterre en a parlé, en parle. La France n’a pratiquement rien su de cet exceptionnel combat mené par quelques-uns des siens, loin de tout et de tous.[…]
L’audace, la variété des actions menées par ces sticks, n’ayant plus rien à attendre que d’eux-mêmes, sont toutes marquées par l’extraordinaire. Nombreuses sont celles qui, par leur réussite, ont pesé sur les résultats militaires.
Ainsi en 1942, Allemands et Italiens occupant la Sicile, la Crête, la Tunisie, la Lybie, la Cyrénaïque, régnaient en Méditerranée et interceptaient tout ce qui passait de Gibraltar à Alexandrie. Malte, dernière place forte armée en Méditerranée, était peu à peu asphyxiée. Sans ravitaillement militaire, elle ne tiendrait pas longtemps. La RAF, numériquement inférieure et trop éloignée, ne pouvait assurer la liberté de circulation maritime.
Le Haut Commandement demande la neutralisation des aérodromes ennemis, le temps de permettre le passage d’un énorme convoi. Celui de la dernière chance.
C’est ainsi que Bergé, alors capitaine, le premier des SAS français, avec quatre de ses camarades plus un officier britannique et un Grec, furent débarqués par sous-marin en Crête. Leur attaque permit la destruction de vingt-deux avions allemands, le parce de camions et le dépôt d’essence. Seul le Britannique reviendra de cette mission.
Dans le même temps, des sticks SAS montés sur des jeeps super-armées, après avoir traversé le front dans ses zones fluides et percé tout le dispositif ennemi au cours d’un périple de 500 kilomètres, attaquent les aérodromes allemands de la côte tripolitaine. La Luftwaffe mit longtemps à se remettre de ces pertes. Le fameux convoi est passé.[…]
En France :
1. Le débarquement de Normandie a lieu le 6 juin 1944. Dès le 5 juin, les sticks SAS français en avant-garde de l’armada du débarquement étaient déjà parachutés en Bretagne et passaient à l’action. Deux heures après, première victime de la libération de notre pays, le Caporal Bouetard du stick de Marienne était tué. Ce dernier et la plupart de ses compagnons trahis trouvaient quelques semaines plus tard une mort de légende après avoir mené un fantastique combat de désorganisation des armées allemandes.
Attaquant, harcelant, sabotant partout, ils galvanisent les résistances locales, les arments, les encadrent et permettent de bloquer dans le Pays Breton les divisions ennemies qui devaient venir renforcer le dispositif de défense en Normandie. Mission accomplie une fois encore mais, dans ce combat inégal, sanctionné par tant de hauts faits d’armes, les pertes seront d’autant plus sévères que l’ennemi achève souvent les blessés.
Nos camarades de l’armée intérieure qui, partout en Bretagne, luttent au coude à coude avec les Paras, connaîtront la même fraternité dans le sacrifice. La dure bataille de Saint-Marcel en sera l’un des plus purs exemples.
2. Le débarquement du sud a lieu le 15 août. Dès le début août des sticks SAS français sont parachutés dans les régions du Centre et de la Bourgogne-Lyonnais pour neutraliser les axes de communication principaux. L’embuscade est permanente, les Allemands en insécurité constante. L’audace alliée à la technique fait des ravages. Tous les sticks frappent de jour et de nuit avec, pour terminer, l’attaque de Sennecey-le-Grand, le 4 septembre, par quatre jeeps SAS qui ont traversé la France occupée, en profitant d’une attaque sur le front de Normandie. Après d’innombrables péripéties, elles sont venues renforcer leurs camarades qui se battaient depuis le 12 août.
Il y a, à Sennecey, un énorme rassemblement ennemi qui doit s’ébranler au petit matin. Les jeeps foncent, pénètrent dans la ville, remontent le long convoi stationné et en utilisant toutes leurs armes mitrailleuses, bazookas, grenades font un véritable carnage. Au retour, elles seront anéanties. Il n’y aura que deux survivants. Dix-huit de nos camarades avec à leur tête le Capitaine Guy de Combaud-Roqubrunne paieront de leur vie ce fantastique fait d’arme.
Dans les Ardennes belges et françaises
C’est encore à eux que l’on fait appel quand les alliés sont bousculés, en cette période de Noël 1944, par le dernier soubresaut de la Wehrmacht.
Enfin en Hollande.
Tout ce qui restait des SAS français y a été engagé dans la nuit du 7 avril 1945. Dans des conditions difficiles et un terrain souvent peu propice, les actions les plus spectaculaires seront menées au prix de lourdes pertes, aggravées par un ennemi qui dans son effondrement se déchaîne parfois (le stick du lieutenant Valayer brûlé dans une grange).
A 200 kilomètres des lignes alliées, en avril 1945, à un mois de la paix, un stick encerclé a refusé de se rendre et a livré bataille.
C’était cela le combat SAS. Trop ignoré chez nous, il était juste qu’aujourd’hui, quarante ans après, soient évoquées les ombres héroïques de nos camarades. »
(Plaquette conçue par l’Amicale des Anciens Parachutistes SAS et des Anciens Commandos de la France Libre, à laquelle a participé mon père juste avant sa mort, au moment où il allait recevoir en Bretagne les Anglais qui y débarquèrent, dont le Major Elwess. Le président en exercice était Georges Caïtucoli. Présidents d’Honneur : Général Bergé, Général de la Bollardière, Château Jobert, Henri Déplante, Alexandre Loffi, Puech Samson).
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