Lettre de P. Schaeffer, directeur du Service de la Recherche à lORTF :
20.6.75
Chère Elizabeth,
Jai emprunté Les Filles de Madame Claude, déjeuner de soleil, vite consommé. Je voulais ten dire tout le bien que jen pense. A vrai dire, javais sourcillé un peu quand je tavais vu temparer du sujet avec ce goût très sûr que tu as pour les meilleurs morceaux de lactualité.
Non que le sujet soit si scabreux, mais il est équivoque, à mi-chemin du reportage et de la psychosociologie. Cest cela que je trouve si réussi : assez léger pour rester en surface et, par moment, léclat, mais parfois terrifiant, du tragique et là-dessus les festons innocents de nos deux minettes perverses (oh si peu) ayant traversé les fourrés sans une égratignure. [
] A la Recherche nétais-je pas aussi, moi, le maquignon de lintromission ? Je tembrasse, Elizabeth, en te félicitant beaucoup. Pierre Schaeffer
ENQUÊTE
Un de mes amis très cher, personnage marginal de la vie parisienne, génial et cossard, ne cessait de me parler du harem des Filles de Claude, en des termes qui éveillèrent chez moi quelque chose qui ressemblait fort à de lenvie ou du moins à une ébauche de curiosité comparative. Ces dames avaient toutes les qualités, la beauté, lapparence de culture sans le côté bas-bleu, la jeunesse, cétait un collège espagnol des dames de petite vertu. Au moment où je décidai davoir le cur net, je fis la connaissance dAnne de Boismilon, professeur dhistoire-géographie à lécole Sainte-Croix de Neuilly. Nous décidâmes de faire ce livre ensemble elle sous un pseudonyme très vite éventé puisquelle
posait avec moi en « dernière de couverture » ! Pour entrer en contact avec ces dames, je madressai à lacteur Curd Jurgens, rencontré dans un avion, qui se renseigna et nous envoya déjeuner dans un patelin aux environs de Paris, au café dit « Le cochon de Saint-Antoine » (ça ne sinvente pas). Le maître dhôtel et les garçons ne se privèrent pas de nous toiser. Le résultat dut nous être favorable puisque, quelques minutes plus tard, la « seconde » de Claude, Catherine (dans le livre « Virginie ») nous appela au téléphone pour nous fixer rendez-vous. La suite est racontée dans le livre
LE RESUME DU LIVRE
Des mois denquête, un zest dérotisme, un cocktail de sérieux et de charme : Elizabeth Antébi et Anne Florentin tracent avec humour le portrait dune certaine société, dun demi-monde qui rejoint lautre moitié au nom de la Respectabilité.
Sidonie la Don Juane, Lia la Caresseuse, Yoshiro le Seigneur de la guerre, Samantha la grande bourgeoise défilent dans ce kaléidoscope doré, mais sous lor, les reines sont nues. Les clients de Madame Claude
des empereurs, des rois, des ministres, des industriels, tous les privilégiés dune société qui se sont construit autour de leur petit monde des paravents dacier. Dacier ou de laiton ?
Sauver les apparences, vivre dans un monde où « il y a ce qui se fait et ce qui ne se fait pas », telle est la morale des Filles et des Clients. Et derrière tout cela, Madame Claude, Maquerelle de la « Nouvelle Société ». Six cent millions de revenus par an, dit-on. Une apparence incolore de chaisière de Saint-Sulpice. Une enfance chez les visitandines. Un cas. Une caricature de notre temps. Quand le monde chavire, le plaisir des autruches reste de bon ton.
DOSSIER DE PRESSE
Le 8 juin 1975 paraît un interview réalisé par Le Progrès de Lyon :
« Vingt-neuf ans, licenciée en lettres et en histoire de lart, journaliste et réalisatrice de télévision, Elizabeth prépare actuellement deux films, lun sur la bande à Baader, lautre avec Marcel Maréchal sur Guignol pour la deuxième chaîne. Sa complice, Anne Florentin, vingt-huit ans, qui est en même temps son assistante, est aussi journaliste et historienne. Toutes deux ont mis en chantier un nouveau livre sur la politique du Vatican. De retour de Rome, elles ont fait escale à Lyon avant de regagner la capitale. [
] Les Filles de Madame Claude est le fruit dune longue et minutieuse enquête sur lun des plus célèbres réseaux de call-girls parisien, des mois dinvestigation leur ayant permis de tracer avec sérieux et humour le portrait dune certaine société, dun demi-monde qui rejoint lautre moitié au nom de la respectabilité. Elles expliquent les motivations dune telle entreprise : «Mme Claude nous a paru symbolique dun système mental propre à notre époque : tricherie, entreprise de canaliser, de nationaliser, de discipliner le mystère, parallèlement à léclosion sur les écrans du film porno et autres Exorcistes. Peu à peu, la femme-objet crée lhomme-objet, lhomme-argent. »
« Cest à fort bon escient que sort cette semaine en librairie une enquête approfondie menée par Elizabeth Antébi et Anne Florentin sur les Filles de Madame Claude quelles nomment gentiment les petites surs des riches ».[
] Chez Claude, ghetto des illusions, on est de façon avouée et organisée au plan de la psychothérapie. [
] Ce qui ressort particulièrement bien de ce livre, cest que ni le blablabla sur les causes sociales, ni les prétentions des sexologues ne peuvent vraiment expliquer ni déchiffrer les étranges idéogrammes damour auxquels nous sommes ici confrontés.[
] Une Célimène capricieuse et une vierge florentine se sont associées là pour nous donner un ouvrage denquête et de réflexion où leur excessive et parfois ironique curiosité ne tombe jamais dans la vulgarité si propre à ce genre littéraire. Cest pourquoi, sans doute, ce livre se trouve si actuel et si réussi : on nous y mène à chaque instant du particulier au général, et cela sans quil y paraisse, par le simple récit des faits, puis des rencontres, puis des êtres. » Philippe de Saint-Robert, Le Quotidien de Paris
« Deux jeunes femmes, E. Antébi et Anne Florentin décident donc den dire plus sur ce harem de la Nouvelle Société.[
]Si, à lépoque du Chabanais ou du Sphynx, le parti radical fréquentait les maisons, Mme Claude a été, peut-on dire, le bordel de la Ve République. » André Halimi, Pariscope.
« La conclusion sera fournie par le livre dElizabeth Antébi et Anne Florentin, Les Filles de Madame Claude. Ces deux demoiselles ont suivi à la trace et interrogé non seulement les pensionnaires de la célèbre tenancière mais ses correspondants, cest-à-dire ses clients, et Mme Claude elle-même. Leur conclusion est catégorique : Les clients mentent. Les filles ne disent pas la vérité. Mme Claude non plus. Nous sommes dans le domaine du simulacre, cher à Jean Genêt, et du simili, monnaie de la société de consommation. » Paul Morelle, Le Monde.
« Le livre le plus époustouflant, dans ce domaine, est celui que mes ravissantes consoeurs Elizabeth Antébi et Anne Florentin viennent de publier aux éditions Julliard et qui doit sortir en librairie ces jours prochains. » E. Schneider, La Suisse.
« Cest inspiré dun livre rose qui vient de paraître chez Julliard, Les Filles de Madame Claude, où lon décrit par le menu, avec doigté, le célèbre harem où se sont succédées pendant quinze ans plus de cinq cents jeunes filles. Ainsi quune poignée de coquins-copains qui les ont pratiquées. Le gratin, le beau linge. » Bernard Thomas, Le Canard Enchaîné.
Articles Canard Enchaîné et Pariscope.
ainsi que Minute, la Gazette de Lausanne, le Quotidien de Paris.
EXTRAITS
Madame Claude, cest un empire. Des rives de lOcéan Pacifique aux frontières russes et afghanes. On lui prête six milliards anciens depuis les débuts, pour autant quon puisse calculer. Des réseaux en Amérique, en Angleterre, en Italie, en Belgique. Des correspondants en Allemagne et dans les pays scandinaves. Une moyenne de cinquante voyages par mois. Des soutiens politiques et policiers évidents. Des clients prestigieux : cours du Proche-Orient et de lAfrique noire, dignitaires du monde arabe, maîtres de la politique et de la finance, de limmobilier, de lindustrie, du prêt-à porter, de lédition, du journalisme, du cinéma. Le premier harem européen à lère du pétrodollar ! [
] Qui est ce personnage pétri de paradoxes bourgeois sans être honorable, dur et vulnérable, naïf et pervers, femme daffaires et grande amoureuse ? Héroïne de la comtesse de Ségur à létrange destin, née au troisième étage dune maison grise et triste de la rue Bressigny à Angers et qui finira sans doute ses jours dans son ranche des Nouvelles-Hébrides. Quant à ses filles, certaines sont devenues les dames des salons les plus huppés de Paris, de Rome, de Londres, de Berlin ou de New York : toute une école nourrie dans les sérails de Madame Claude et de la Ve République.
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