Cedric Ingrand a trouvé sa « niche », Le Journal du Web, émission quotidienne de deux minutes, qu’il produit et anime pour LCI.
A tout seigneur, tout honneur, c’est par ce chroniqueur du virtuel que nous commençons notre galerie de « portraits ».
Gendre (virtuel) idéal, il conjugue dans ses « brèves » trois vertus que l’on trouve rarement réunies, la culture, la connaissance des technologies les plus sophistiquées et l’instinct visuel. Sa mère le voyait à Sciences-Po, mais il a conquis son créneau de fil en aiguille ou « de chip en clic ». A part une émission hebdomadaire, Click on Line, sur la BBC, il n’a guère de rival européen. Son champ d’expertise va bien au-delà d’Internet et des jeux électroniques, il s’étend à la technologie, à ses retombées au sens large et même à des nouvelles véhiculées par la Toile. Ses infos sont désormais souvent reprises par l’AFP, ou par la presse écrite. Il lève les lièvres … Victime de son succès qui le cloue tous les jours à sa chaîne, pourra-t-il un jour faire aussi, comme il le souhaite, des émissions de grand reportage et sera-t-il le nouvel Indiana Jones des nouvelles technologies ?
Interview
Je suis né à Paris le 17 octobre 1969, de parents originaires des Deux-Sèvres. Tout récemment, en ouvrant des vieux livres, je suis tombé sur une carte postale adressée à mon arrière grand-père, qui était le maire d’une petite ville, d’un jeune homme sous les drapeaux qui demandait son extrait de naissance. La carte était signée « Raffarin » …
Je ne me souviens pas vraiment d’une vocation de journaliste, je sortais d’une famille où l’on était soit médecin, soit enseignant, j’étais le vilain petit canard. Je revois très bien, en revanche, la passion qui m’a saisie, à l’âge de douze ou treize ans, le jour où un voisin m’a montré, sur l’un des premiers minitels de l’époque, comment avoir accès à l’AFP. Et j’ai passé dix-huit heures à lire l’AFP … Ou je me souviens du lancement de France-Info que j’écoutais non-stop, in extenso, en 1987, l’année du bac.
Ma mère était prof agrégée d’anglais, ce qui a eu deux effets : le premier c’est que, dès l’âge de dix ans, j’ai regardé beaucoup de films hollywoodiens sous-titrés, l’autre, que, dès 11 ans, nous avions le satellite à la maison et que je m’imbibais de CNN.
Je suis donc formé à l’image, même si j’ai lu des livres, et lorsque je cherche des analogies, je retrouve des fragments d’émission ou de série vues à la télé - ce que j’appelle la culture Trivial Pursuit.
Par défaut j’ai commencé des études de Droit. Une vague connaissance m’a parlé alors d’un job d’été : un magazine d’informatique cherchait quelqu’un pour maintenir son serveur minitel. Je l’ai fait trois mois, puis j’ai écrit un article, et le rédacteur en chef du magazine s’est mis à m’en demander d’autres. J’avais complètement oublié, entre-temps, de renvoyer un papier de report de service militaire et un beau matin de janvier, au courrier, j’ai reçu ma feuille de route. Je n’ai donc jamais achevé mon Droit, car à la sortie du service militaire, j’ai été embauché par une société dont j’avais testé le logiciel pour le magazine d’informatique.
Je suis tombé dedans tout petit, puisque j’avais déjà un ordinateur en CM2, mais j’ai néanmoins tout de suite éprouvé la fascination de la machine, l’excitation de lui faire faire des choses qu’on ne pensait pas possibles. J’éprouve d’ailleurs toujours la même fascination pour les machines qui travaillent toutes seules, sur un travail que vous leur assignez, ne serait-ce que pour défragmenter un disque.
En 1995, je me suis inspiré d’un magazine qui existait aux Etats-Unis, Wired, sur la révolution numérique, ses effets sur la société, le travail, etc. J’ai donc suggéré à l’éditeur en chef du journal où je travaillais d’en créer un du même genre. Il m’a signé un contrat et m’a tout de suite envoyé, comme je le lui demandais, couvrir le congrès annuel des pirates informatiques à Las Vegas. Au retour, il avait vu son banquier, son comptable, son conseiller financier, l’enthousiasme était tombé à la lecture des chiffres et des courbes, et je me suis retrouvé rédacteur en chef adjoint de PC Magazine, chargé plus particulièrement des dossiers d’actualité, ce qui m’a permis de voyager, d’aller sur le terrain.
C’est ainsi, par la presse écrite, que je suis entré à LCI, car PC Magazine a un jour proposé à LCI une émission sur les nouvelles technologies. Un beau jour de novembre 1997 je suis arrivé à une réunion avec les gens de LCI, enthousiaste d’un système qui permettait d’être à la fois sur Internet et sur la télé. Le responsable de l’époque, Alain Joannès, a dit « Formidable, viens en plateau nous le montrer ! » J’ai encore la cassette de mes débuts, on aurait dit Bambi pris dans les phares du braconnier …
En 1999, l’émission s’était interrompue ; j’ai proposé une émission sur le bug de l’an 2000, sur lequel on disait beaucoup de bêtises. Et en septembre 2000, la chaîne a décidé de créer une rubrique quotidienne, « Le Journal du Web », avec mission d’évoquer un sujet en l’illustrant d’images prises sur Internet.
Je n’ai pas d’a priori, je traite des sujets qui m’amusent, m’enthousiasment, me passionnent comme les premiers implants neuronaux, pour handicapés, qui vont permettre de faire avancer un fauteuil, d’allumer la télé en implantant une puce électronique dans le crâne … Pour moi, le sujet idéal, c’est celui qui me frustre le plus : je voudrais le traiter en grand reportage. Ce qui est merveilleux, c’est que, par le biais du Web, je peux parler de tout. De santé aujourd’hui, demain d’économie ou de la guerre en Irak.
En septembre dernier je suis tombé sur un sujet extraordinaire de gens qui ont réussi à fabriquer de vrais diamants synthétiques en agglomérant de la poussière de diamant, là, j’aurais aimé une équipe de reportage, aller voir De Beers pour leur demander si ce genre de procédé les menace. Peut-être que ce sera comme Reebok qui, pour se démarquer des autres, avait vendu ses chaussures bien plus cher que les autres, car le fantasme n’est pas toujours ce qu’on croit.
Cet outil Internet que les militaires ont légué aux universitaires et que les universitaires ont fini par ouvrir au monde, c’est avant tout une plate-forme technique, comme la TSF ou la télévision. Mais c’est le premier « media de masse » où la communication passe dans les deux sens, où l’on se parle et s’écoute à tour de rôle, dans le nivellement apparent des compétences. En outre, il n’existe pas de barrière à l’entrée comme pour entrer dans une grande chaîne télévisée. Pour monter son site, il suffit de quelques dizaines d’euros et beaucoup de travail, mais c’est accessible. Alors oui, Internet pose (et résoud) des problèmes spécifiques.
Dans le trimestriel Le Minotaure, vient de paraître un article passionnant sur ce qui se passe en coulisse, sur ceux qui sont censés gérer ces infrastructures techniques. La gestion en est décentralisée, mais le plus petit commun dénominateur reste l’adresse numérique (IP), avec quatre nombres ; or aujourd’hui si vous êtes un gros pays, vous demandez des millions d’adresse pour pouvoir servir vos abonnés. L’allocation de ces adresses reste une décision collégiale qui se gère aux Etats-Unis. C’est ainsi qu’un Etat comme le Lesotho se retrouve sans aucune adresse IP … Lorsque les usages technologiques vont se diversifier, qu’on aura une adresse pour le PC à la maison, une autre pour le bureau, d’autres pour le réfrigérateur, la machine à laver ou le téléphone, la richesse en messages échangés deviendra un véritable enjeu politique. Il faut en prendre conscience.
La question, reste aussi « Où met-on le curseur ? ». La diversité peut devenir une source de confusion. C’est en effet, en un sens, la Chimère, avec une queue de lion, une peau de chèvre, des griffes de dragon. Mais les talents véritables, les informations véritables trouvent à mon avis leur chemin sur l’autoroute. Les enfants eux-mêmes, avec l’âge, apprennent à séparer le bon grain de l’ivraie.
Enfin, une certaine sorte d’humour ou de plaisanterie est née avec Internet : le Google bombing (cf. "nouvelles des crawlers") ou le Flash Mob, cette manière de réunir une foule à telle heure au même endroit, d’obtenir que tout le monde se touche le nez ou se gratte la tête à la même seconde, puis disparaisse en un clin d’œil. En un sens, ce sont des techniques de guerre-éclair, mais là, ça n’a pas de but. Les limites du système est contenue dans la question : « Quelle est l’idée de la personne derrière tout ça ? »
Mais surfer, crawler, rencontrer des gens, découvrir des histoires, des inventions, voir changer le monde sous mon clic, je ne m’en lasse pas.
Prochain rendez-vous ? Un livre ? Pourquoi pas ?
Histoire des étranges lucarnes : Inventions, naissance de la vedette télé …
Sur Pierre Schaeffer, qui a longtemps dirigé l'inoubliable Service de la Recherche à l'ORTF, dont sont sortis tant de créateurs, cinéastes, écrivains, dessinateurs ou musiciens, voir un site déjà créé par une camarade de gynécée d'Aspasie : http://www.antebiel.com/Schaeffer/index.htm
Bientôt : "L'invention de la télévision"
« En croyez-vous mes yeux et mes oreilles ? »
Lundi 22 mars
Au journal du matin, vers 5 heures sur RTL (la radio), on annonce que le président Chirac a découvert Fun Radio et l’a signalé à ses ministres, pour étudier le nouveau [ ?] langage des jeunes. Au début, il ne comprenait rien, mais il semble qu’il s’y soit mis. Il serait temps, en effet, de s’occuper du langage politique, non ?
Lundi 5 avril
A Recto-Verso (rediffusion sur « Paris-Première »)) consacré à Mireille Darc, Paul Amar écarquille les yeux : sur l’écran le metteur en scène Georges Lautner explique qu’il a enfin trouvé en Mireille Darc la salope pleine de charme qui convenait pour ses films[sic]. Un peu plus tard, il explique qu’il s’est lassé un jour de lui faire jouer des rôles de pute, pour lui offrir enfin un rôle de femme libre. Amars sursaute : « - On ne pourrait plus dire ça aujourd’hui ! Vous imaginez les procès ! » Mireille Darc éclate de rire. « - Oui, oui. Qu’est-ce que je m’amusais avec leur bande ! » Eh oui, aujourd’hui l’ultra-conformisme règne, la peur du gendarme filtre nos boutades et … qu’est-ce qu’on s’ennuie !
Sur Télématin (la 2), au Journal, on revoit un bref instant les intermittents du spectacle, le bonnet phrygien sur la tête, brandir au bout d’une pique une tête d’aristo coiffée d’une perruque on les avait déjà vus, non moins brièvement, juste avant l’allocution du président de la république la semaine dernière. Ils chantent « Raffarin, Raffarin nous voilà ». Robespierre et Pétain, un résumé saisissant de la France qu'ils mettent en scène.
Sur LCI, « Question d’Actu », 14 heures, une innovation de taille : Cedric Ingrand, créateur de l’excellent « Journal du Web » et spécialiste multimédia on et off, comme on dit (l'urbi et orbi des sites Internet et jeux vidéos), est assis à la table des commentateurs politiques pour discuter du sujet du jour, « Irak, la chute du faucon Bush ? ». Pourquoi lui ? C’est que désormais les partis politiques testent sur la Toile les idées ou trouvailles humoristiques … d’un goût plus que douteux. C’est ainsi que nous pouvons découvrir, après les Américains, un document hallucinant sur le discours du président Bush au « dîner des correspondants » : il feuillette pour eux en image « l’album-photo de la Maison Blanche », avec des gens qui, dans le Bureau Ovale, cherchent autour d’eux et sous la table ... … «les armes de destruction massive et ne les trouvent pas« (« ah, ah ! » il rigole de son propre esprit, il est enchanté, poisson d’avril ! fallait y penser), ou commente un film de lui-même dans un train, étalant un jeu de cartes «grâce auquel on se rappelle les noms des présidents étrangers », riant de sa propre ignorance le jour où on lui avait demandé le nom de quelques présidents de certains Etats comme ... le Pakistan. Sur l'écran, d'après ce que Cedric Ingrand nous a brillamment dégotté, chaque Parti américain continue à tester les clips de campagne, en assénant n’importe quoi à toute allure car, nous commente Ted Stanger, auteur de ces « Sacrés Américains » (éditions Michalon) : « Ce qui compte aux Etats-Unis, ce n’est pas le programme, nous ne sommes pas un pays dogmatique, c’est la couleur de la chemise. La couleur de sa chemise avait déjà fait perdre des élections à Nixon. » Une chemise pour une veste ? L’avenir de la planète tient à un fil.
Un peu plus tard, toujours LCI, Chambre des députés en direct. J’apprends, en écoutant la diatribe sans-culotte d’un député de l’opposition qu’on ne dit plus « les députés communistes et socialistes », ou « la gauche plurielle », ou « le peuple de gauche », mais « les communistes et les républicains [ci-devant "socialistes"] ». Les représentants des autres partis ne le sont plus (républicains), na !
Mardi 6 avril
Sur LCI, "La Vie des Medias", 14h 45 environ : nouvelle ... décoiffante ! Le Rubicon est franchi, l'audace PC (Politiquement Correcte, qu'alliez-vous chercher ?) va payer : on nous annonce que la lessive Vizir a sauté le pas dans sa pub, elle est présentée par un homosexuel "réputé être plus exigeant sur la propreté", dit benoîtement le patron de pub interviewé. Discrimination ? Ou créneau marchand ?
Vendredi 7 mai
Radio-Luxembourg, journal de 8 heures : l'évêque de la cathédrale de Saint-Jacques de Compostelle ordonne que l'on enlève et dérobe au regard une statue de Saint-Jacques, maître des lieux, installée depuis deux siècles, pour la raison spécieuse qu'il pourrait choquer "une autre ethnie" (sic). Le patron du pélerinage bien connu de l'ethnie chrétienne est en effets connu en l'occurence sous le nom de Matamoros ("celui qui tue les Maures", qui a donné notre mot de "matamores" pour ceux qui se vantent d'en venir à bout !) car il brandit une épée dont il tranche la tête de ceux dont il faut bien dire qu'ils furent longtemps les ennemis des Rois Catholiques. Signalons à l'archevêque que la croisade anti-ethnique va donner bien du boulot : commençons par Versailles ou, à l'entrée des écuries du roi, une tête (coupée) de Turc trône sur les armes d'un grand général...
Plus généralement …
Il est une publicité qui m’enchante et qui, apparemment, est passée entre les gouttes des censeurs anti-racistes, où l’on voit un petit blanc manger au milieu des sauvages emplumés d’Afrique cette verroterie que sont les apéricubes, et s’écrier joyeusement : « C’est pas tout ça, qu’est-ce qu’on mange après l’apéro ? » avant de voir tous les regards converger sur lui. Publicité seulement ?
Croquis de Stars-Télé par un mystérieux invité
Un ami de la lointaine antiquité et du monde latin va bientôt visiter Aspasie et lui fournir quelques billets pour son journal. Aspasie se réjouit de ce clin d'oeil d'amitié de quelqu'un qu'elle connaît depuis ... plus de trente ans, car elle en apprécie la dent douce.
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Les merveilleuses archives : Pierre Dac.
Si vous avez l'idée saugrenue de ne pas aller au Festival Européen Latin Grec 2008 du 4 au 6 avril à Nantes, ou alors ,juste avant de partir :
Courez voir "Signé Pierre Dac" donné par la Compagnie des Hauts de Seine.
De la création de la Société des Loufoques, en passant par les faux journaux télévisés et les petites annonces saugrenues, nous nous dirigerons vers la savoureuse mais osée parodie de Phèdre, pour aller jusqu'au non moins célèbre sketch du Sar Rabindranath Duval. Un bon moment de rire et d'humour en perspective grâce à un spectacle interactif comme le vivaient en leur temps Pierre Dac et Françis Blanche dans les cabarets. |
Qui fut l’inventeur du schmilblick ? Qui fit hurler de rire les paras de la France Libre dans l’émission de la BBC à Londres « Les Français parlent aux Français », en des heures plus poignantes que tordantes, « 9 mois dupont - pardon - 9 mois durant » ? Qui parlait « louchébem », la langue des bouchers, bien avant notre verlan, comme Bobby Lapointe fit du rap bien avant le rap ? Qui fut intronisé « roi des loufoques » - fou en langue bouchère ? Qui naquit, comme ma grand-mère à Châlons/Marne ( aujourd’hui en Champagne) et, comme mon père, rejoignit début 1943 les gaullistes d’Angleterre ? Si je vous rappelle son talent, c'est pour comparer à nos jours. Qui oserait encore dire ces phrases d'une actualité parfois brûlante, ou écrire les deux dernières phrases d'une poésie tendre qui a disparu :
"A vendre jolie collection de pots de vin".
"S'il n'est pas bon d'être pris entre l'arbre et l'écorce, il ne l'est pas non plus d'être pris entre les Arabes et les Corses."
"Si ma tante en avait on l'appellerait mon oncle, et si mon oncle en était on l'appellerait ma tante. En tout bien tout honneur, naturellement"
"En politique, parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les deux principes majeurs de tous ceux qui feraient mieux de la fermer avant de l'ouvr
ir"
"L'imbécile prétentieux est celui qui se croit plus intelligent que ceux qui sont aussi bêtes que lui."
"Un amour débordant, c'est un torrent qui sort de son lit pour entrer dans un autre."
"Le carré est un triangle qui a réussi ou une circonférence qui a mal tourné"
Ces citations sont tirées de "L'Os à Moëlle" (mai 1938-mai 1940, 1964-1966) ou des Pensées de 1972.
Citons le site (tacite) : http://nagram.chez.tiscali.fr/pagemots.htm où vous pourrez trouver toutes sortes de mots d'auteur pour égayer votre journée, notre Dac biensûr, mais aussi Alphonse Allais, Francis Blanche, Pierre Desproges, Cavanna, Jacques Tati, Boris Vian, Sempé/Goscinny.
Enfin, chez Universal est parue, sur DVD, une anthologie des sketches de Pierre Dac et Francis Blanche, par Jacques Pessis
Pierre Dac dont on ressort aujourd'hui les sketches, pour la plupart conçus pour la radio, à la télévision et en DVD, alias André Isaac, né le 15 août 1893 sous le signe du Lion :
- Vous êtes né dans l'Inde?
- Je suis né dans l'Inde.
- A quel endroit de l'Inde?
- Châteauroux.
- A Châteauroux! Extraordinaire! Vraiment! D'ailleurs, je crois savoir de source sûre que votre père était hindou!
- Hindou, oui.
- Votre grand-père ?
- Hindou.
- Et votre arrière-grand-père ?
- C'était un dur.
(extrait du sketch avec Francis Blanche sur Sar Rabindranath Duval, dont on peut retrouver l'intégralité à http://pierredac.free.fr/sketch01.htm)
"Vers 1926, et non vers solitaire, j'embrassai non pas le culte du cultivateur occulte, mais la profession d'humoriste qui devint définitivement la mienne." Le 13 mai 1938, Dac crée L’Os à Moëlle, grand ancêtre de Charlie-Hebdo, en plus gentil et moins illustré. C’était l’époque de l’aphorisme, du jeu des mots, du calembour poussé au paroxysme (Lacan avant la lettre), du non-sens et de l’absurde rappelons que le théâtre de l’absurde date d’après-guerre, La Cantatrice Chauve d’Ionesco, de 1950 et En attendant Godot de Beckett, de 1953.
Pierre Dac ne vogue pas, si l’on ose l’image, dans ces cimes intellectuelles : il s’amuse. Après lui viendront Vian, puis Devos.
Ce n’est pas un chansonnier engagé, mais quand il s’engage … à Londres, après un périple par l’Espagne, vu de la prison :
« Un premier essai par les Pyrénées se termine à la Carcel Modelo de Barcelone. "Si Louis XIV se les étaient farcies comme moi, il n'aurait jamais dit: il n'y a plus de Pyrénées", s'exclame-t-il avant d'être enfermé pendant quatre mois dans une cellule habituellement réservée aux condamnés à mort. Reconduit à la frontière, il est aussitôt incarcéré, pendant trente jours, à la maison d'arrêt de Perpignan. Au juge qui lui demande pourquoi il a voulu fuir son pays, il répond "en France, il y avait deux personnages célèbres, le Maréchal Pétain et moi. La nation ayant choisi le premier, je n'ai plus rien à faire ici". Il le confirme quelques semaines plus tard en repassant en Espagne, muni cette fois, d'un passeport canadien au nom de Pierre Duval. Arrêté à bord d'un train, il passe près d'une année en détention, successivement à Barcelone, Lerida et Valencia de Alcantara. Par l'intermédiaire de la Croix-Rouge, il finit par être échangé, comme beaucoup de prisonniers, contre des sacs de blé. Le temps de traverser le Portugal et d'attendre, à Alger, le moment opportun, et le voici enfin sur ce qu'il considère comme sa terre promise. Plusieurs fois par semaine, sur les ondes de la BBC, Pierre Dac va engager des duels oratoires qui sont aujourd'hui entrés dans l'histoire. Son monologue, prononcé en juin 1944 contre Philippe Henriot, demeure en particulier un modèle du genre. Attaqué sur les ondes de Radio-Paris par cet éditorialiste au service de l'occupant, il lui répond par un texte d'une gravité extrême, intitulé Bagatelle pour un tombeau. Des paroles prophétiques puisqu'il prononce l'épitaphe de son adversaire, quinze jours avant qu'il ne soit abattu par des résistants. » (Jacques Pessis)
Extrait de la réponse à Henriot :
"Peut-être me répondrez-vous, monsieur Henriot, que je m'occupe de ce qui ne me regarde pas, et ce disant vous serez logique avec vous-même, puisque dans le laïus que vous m'avez consacré, vous vous écriez notamment : "Mais où nous atteignons les cimes du comique, c'est quand notre Dac prend la défense de la France! La France, qu'est-ce que cela peut bien signifier pour lui ?"
Eh bien ! Monsieur Henriot, sans vouloir engager de vaine polémique, je vais vous le dire ce que cela signifie, pour moi, la France.
Laissez-moi vous rappeler, en passant, que mes parents, mes grands-parents, mes arrière-grands-parents et d'autres avant eux sont originaires du pays d'Alsace, dont vous avez peut-être, par hasard, entendu parler ; et en particulier de la charmante petite ville de Niederbronn, près de Saverne, dans le Bas-Rhin. C'est un beau pays, l'Alsace, monsieur Henriot, où depuis toujours on sait ce que cela signifie, la France, et aussi ce que cela signifie, l'Allemagne. Des campagnes napoléoniennes en passant par celles de Crimée, d'Algérie, de 1870-1871, de 14-18 jusqu'à ce jour, on a dans ma famille, monsieur Henriot, lourdement payé l'impôt de la souffrance, des larmes et du sang.
Voilà, monsieur Henriot, ce que cela signifie pour moi, la France. Alors, vous, pourquoi ne pas nous dire ce que cela signifie, pour vous, l'Allemagne ?
Un dernier détail: puisque vous avez si complaisamment cité les prénoms de mon père et de ma mère, laissez-moi vous signaler que vous en avez oublié un celui de mon frère. Je vais vous dire où vous pourrez le trouver ; si, d'aventure, vos pas vous conduisent du côté du cimetière Montparnasse, entrez par la porte de la rue Froidevaux ; tournez à gauche dans l'allée et, à la 6e rangée, arrêtez-vous devant la 8e ou la 10e tombe. C'est là que reposent les restes de ce qui fut un beau, brave et joyeux garçon, fauché par les obus allemands, le 8 octobre 1915, aux attaques de Champagne. C'était mon frère. Sur la simple pierre, sous ses nom, prénoms et le numéro de son régiment, on lit cette simple inscription: "Mort pour la France, à l'âge de 28 ans". Voilà, monsieur Henriot, ce que cela signifie pour moi, la France. Sur votre tombe, si toutefois vous en avez une, il y aura aussi une inscription: elle sera ainsi libellée :
PHILIPPE HENRIOT
Mort pour Hitler,
Fusillé par les Français...
Bonne nuit, monsieur Henriot. Et dormez bien.
Après la guerre, Pierre Dac rancontre en 1949 rencontre Francis Blanche et tous deux inventent un feuilleton radiophonique déjanté, « Signé Furax », se produisent dans des cabarets et pondent une série d’émissions radio, dont Malheur aux Barbus et Les kangourous n’ont pas d’arêtes.
Auteur d’un pastiche de Phèdre devenu un classique et de Pensées pleines de bon sens (interdit), Pierre Dac manque pour la première fois de « savoir-vivre », selon ses propres paroles, puisqu’il meurt le 9 février 1975.
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Décortiquer la télé : de Jean-Christophe Averty, son marteau et sa cible à « Arrêt sur image ». (en préparation)
Chronique : Les enfants et la télé.
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