LES

ETRANGES

LUCARNES


Nous façonnons nos outils autant qu'ils nous influencent, tel était le sentiment de Pierre Schaeffer. L'observation, disait déjà Heisenberg, modifie le champ même de l'expérience.Schaeffer utilisait micro et caméra comme outils de forage et d'exploration sociologique et spirituelle. Les chercheurs devenaient leurs propres cobayes.La terra incognita était jonchée de simulacres.
Ses visions étaient prophétiques : pollution de l'information se traduisant par une totale désinformation, contraintes contradictoires de l'apprentissage et du spectacle dans la télévision éducative,détournement de la communication par l'émetteur-producteur-manipulateur qui décide de ce qu'on donne à voir dans les "étranges lucarnes", appels à la responsabilité des intellectuels et à la collaboration entre "ceux qui savent et qui cherchent" et ceux "qui parlent et qui montrent", tout cela nous paraît amèrement moderne.

Mais cet avatar de Cassandre - punie par Apollon qui l'avait affligée du don de voir sans jamais être crue - le paya cher. A l'issue d'une émission sur Claude Lévi-Strauss, vue par seulement cinq cent mille personnes (un flop d'indice d'écoute), il avait été convoqué au Ministère et semoncé. "Les c...! avait-il dit. Ce qu'il n'ont pas vu, c'est que j'ai révélé Levi-Strauss à un demi-million de gens."



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